Voilà le premier post de la série d'articles dédiée à mon expérience en tant que nonne.
Les heures inscrites devant les paragraphes sont les heures exactes auxquelles j'ai écrit dans mon journal.
7 NOVEMBRE 2017– arrivée au temple
8h : Hier soir, je n’ai pas réussi à trouver le sommeil, je n’arrivais pas à réaliser que demain, j’allais me raser la tête, devenir nonne et changer drastiquement mon mode de vie. Ça me faisait un peu comme la veille de mon départ pour la Thaïlande !
16h : Et voilà ! Je n’ai plus de cheveux ni de sourcils ! Je ressemble à présent à ces femmes, ces nonnes qui quelques mois auparavant m’intriguaient tant ! J’ai fait la rencontre de femmes unies dans la piété et la foi, qui m’ont accueillie à bras ouverts.
Ce matin, en arrivant au temple, je n’avais qu’une envie : repartir. J’avais les larmes aux yeux, je me demandais ce qui m’était passé par la tête. Me la raser le crâne ne me posais pas de soucis, mais je ne me sentais tout simplement pas à ma place, face à tous ces regards qui me dévisageaient. Et surtout, mes parents français me manquaient cruellement. J'aurai tout donné tout pour les serrer dans mes bras.
Rapidement après mon arrivée j'ai rencontré le chef des moines, qu’on appelle « Ajan » (un terme respectueux pour designer un enseignant). Celui-ci explique ce qui va suivre à mes parents d'accueil, et je me sens de plus en plus mal à l’aise. Camille, le journaliste qui filme, me lance des petits regards encourageants derrière sa caméra. Dans ma tête un mantra résonne : « rentrer à la maison. Me mettre sous la couette et regarder un bon film. Avec l’air conditionné. »
Peu après l’entretien avec Ajan, mes parents d’accueils me rejoignent, radieux. En effet, en Thaïlande une croyance populaire annonce que des parents dont la fille et le fils deviennent moine ou nonne vont directement au paradis après leur mort.
Mon frère d’accueil avait déjà été moine quelques années plus tôt, mais ma sœur d’accueil déteste prier et méditer, alors mes parents d’accueil "désespéraient". Me considérant comme leur fille, ils iront au paradis, selon Ajan.
C’est ce point qui m’a donné le courage de ne pas abandonner. C’était la moindre des choses que je pouvais faire pour eux, qui 3 mois plus tôt m’avaient recueillie alors que je n’avais nulle part où aller.
Après un repas simple, riz et légumes, il est temps pour moi d’abandonner mes cheveux et de porter le « sabai », sorte de cape couvrant mon corps du cou aux chevilles.
On m’asseoit sur une chaise, je passe une dernière main dans ma tignasse, et c’est parti. D’abord, mes parents d’accueils me coupent chacun une mèche de cheveux, en me donnant leur bénédiction. C’est quand je vois leurs visages émus, que les larmes commencent à couler de mes yeux : je suis fière de faire ça pour eux.
Puis, une veille nonne s’avance, avec un rasoir une bouteille d’eau et du savon. 5 minutes plus tard, je suis totalement imberbe ! On m’a rasé les cheveux, les sourcils, et le duvet des joues, des tempes et du front. Je n’ai pas arrêté de rire en pleurant. Emotion et auto-dérision : curieux mélange !
Ma mère d’accueil et quelques nonnes pleurent également. Toutes me regardent avec tendresse, je marche dans leurs pas.
La sensation de mon crâne rasé à blanc est d’abord très bizarre : je ne sais pas si j’apprécie ou non. Puis, une légère brise se lève : Définitivement J’ADORE être chauve ! La sensation du vent est incroyable, et je me sens toute légère !
Je vais dans la cabane qu’on m’a attribuée, et me douche pour me purifier. J’enfile le Sabai, et je prends un selfie chauve. Je trouve ma tête tellement drôle que mon courage revient d"un seul coup !
Il faut maintenant que je prononce mes vœux devant Ajan.
A suivre...